SANS ÊTRE VU
Retour de force


Ce n’est pas beau à voir. C’est encore moins beau à comprendre. C’est ce qui s’est passé là-bas, tantôt, pendant que je pensais souffrir. C’est la solidité de la jeune fille, la terreur de la mère, l’écarquillement des yeux du petit frère. Il doit y avoir un moment où tout diverge, un moment où tous les efforts de toute une vie se trouvent anéantis — et le retour au monde bleu des survivants, surpris au moindre vent.

C’est l’effacement progressif des images, les sons déjà évaporés, les sens encore autorisés à dériver pendant une heure ou deux. Il a fallu à un moment s’oublier, se penser vêtu du regard de l’autre, s’immiscer dans ses gestes et ses mots de prêtre. Et puis la conclusion à l’autel est marquée de sang et l’esprit redescend moins nerveux, plus clair. Cela ne dure que le temps d’un acte ou deux, pendant que l’effet s’organise. Mais c’est mieux que rien.

C’est la fugacité d’en jouir. On parle d’en tirer du plaisir comme un jus, mais en réalité ça s’écrit tout seul, sur le drap, le long de la cuisse. Le travail ne compte que pendant l’ouvrage. Les erreurs à payer plus tard se défont d’elles-mêmes, sans histoire. On s’éprend d’un germe d’étroitesse et le fond nourri de l’envie se tasse. Le plus extraordinaire est l’art qu’on y perd pour en soutirer la pratique. Tout est presque instantané dans la technique.

C’est la date à laquelle je déciderai de vendre ma peau de terre et de laisser le vent déterminer si je suis assez pur.


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