C - DAYS 42 & 43


Pas fait grand-chose d'utile hier, pour une journée de congé, pour autant que je me souvienne — mais il s'est passé quelque chose d'intéressant. Alors même que la fin de l'après-midi approchait, que le temps était maussade, que je ne me sentais pas particulièrement plein d'énergie et que C. était occupée à d'autres choses, j'ai pris mon courage d'infirme à deux mains et je suis parti me promener, appareil photo numérique à la main (un vieux modèle récupéré au travail). Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, je m'attendais au pire des derniers temps, pour dire la vérité. Je suis donc parti d'un pas relativement lent. Le désir de prendre des photos du paysage de la baie constituait une distraction, avec des arrêts ici et là pour contempler des prises éventuelles et les prendre parfois. J'ai constaté que j'avançais. Sans trop penser à mon corps, à mon état. J'ai donc continué. J'ai tôt fait de remplir la mémoire de l'appareil (sept photos seulement). Je me suis alors laissé aller à peser le pour et le contre d'un projet de livre sur P. Toutes sortes de considérations théoriques, musicales, etc. Rien à voir avec mon corps. Même pas la question de savoir si mon corps m'accorderait l'énergie de mener à bien un tel projet. J'ai atteint ma destination « habituelle » d'avant l'an 2000. J'ai fait demi-tour. J'ai continué à réfléchir à tout cela, les photos que je prenais, le livre sur P. Ce n'est qu'aux trois-quarts du chemin qu'une douleur dans le dos à gauche a commencé à faire son apparition. Sans m'affaiblir ou rompre le rythme de la marche, cependant. J'ai fini par faire la marche au complet. Elle m'a peut-être pris un peu plus de temps que par le passé (je n'ai pas vérifié), mais je n'ai pas ressenti de « séquelle » sérieuse après coup. D'ailleurs, C. avait besoin d'aide pour installer un système de grillage autour de nos jeunes cerisiers sur lesquels il semble qu'un de nos chats s'amuse à faire ses griffes. Ce qui a continué à me distraire et m'a évité de trop penser à l'éventualité même de séquelles.

Je suis rentré, j'ai pris une douche — et j'ai été forcé de constater que mon état n'était pas pire que la veille à la même heure. Pas étonnamment meilleur non plus, mais on ne peut pas demander la lune. J'ai fait remarquer à C. : « You didn't even ask me how my walk went. » (Cela reste un sujet d'inquiétude les derniers temps, ce manque d'énergie, de force.) Elle m'a répondu, avec un sourire : « How did your walk go ? » J'ai répondu, avec un sourire : « Not too bad. Not too bad at all... »

La fin du traitement aux antibiotiques y est sans doute pour quelque chose. Mais l'absence de mal de dos violent pendant ou par après est un signe supplémentaire : il est possible que les choses commencent à s'améliorer. Du coup, je songe même déjà à recommencer mes exercices d'étirement qui m'avaient quand même fait du bien en 1999 et que j'ai rien moins qu'abandonnés depuis le début 2000 et la « rechute ». Parce que si notre cher gastro-entérologue a raison et que les problèmes de dos et les problèmes de ventre sont sans lien (autre que superficiel), alors il faut commencer dès maintenant à reconstruire le dos, à lui faire retrouver l'état (meilleur) de l'an dernier, sans attendre le rendez-vous avec le docteur en « médecine physique », sans attendre les résultats des autres analyses. Il faut sans doute investir dans une chaise de bureau digne de ce nom. On était chez notre banquière hier et, par curiosité, puisqu'on parlait de mes problèmes de santé, je lui ai demandé si je pouvais essayer sa chaise de bureau. Différence incroyable. La mienne n'est qu'une petite chose bon marché qui ne soutient (de manière assez douteuse) qu'une petite partie du dos. Peut-être pas la bonne. Peut-être pas bien du tout. La sienne enveloppait la majeure partie de mon dos, de façon ferme, le « poussait » en avant sans le courber, en le redressant au contraire. Il y a peut-être quelque chose d'essentiel à explorer ici. Après tout, tous ces problèmes de dos et autres ont commencé l'année même où j'ai commencé à travailler à plein temps (ou presque) devant un ordinateur. Et je n'ai jamais vraiment exploré la question du siège.

On ne va pas se précipiter, ce n'est pas facile de choisir le siège dans lequel on va passer des années entières assis, il ne faut pas faire d'erreur, mais il est clair qu'il faut faire quelque chose. Et vite. Ces douleurs qui ne sont pas de l'arthrite, ce sont des histoires d'accumulation progressive, de petits travers qui, de jour en jour, de mois en mois, s'accumulent jusqu'à provoquer des symptômes bien réels dont on ne se débarrasse qu'avec effort et patience. Et si tout ou presque s'expliquait par là. Ce serait quand même incroyable. On ne peut plus se permettre de se contenter d'envisager ce type d'hypothèses. Il faut carrément les vérifier ou les éliminer. Au plus vite. Le temps presse.

Avec tout ça, je vais évidemment être tenté de recommencer l'expérience aujourd'hui. Pas trop mauvaise journée pour le moment, peu d'anxiété même si je suis seul depuis près de six heures, plusieurs activités physiques d'entretien de la maison qui m'auraient rebuté il y a quelques jours seulement, alors le terrain semble prêt. Même temps dehors, mémoire de l'appareil photo remise à zéro. On-z-y va.

J'ai quand même l'impression que le C commence vraiment à marcher. Tout en disant cela, je me méfie, dans la mesure où rien n'indique encore que je sois à l'abri d'une grosse crise et de la dégringolade psychologique qu'elle pourrait à nouveau entraîner. Mais je le dis quand même, parce qu'il semble y avoir comme des quartiers de ma cervelle qui s'éclaircissent progressivement. Et bizarrement le P ne m'avait jamais donné cette impression de clarté (de même que l'effet secondaire de constipation ne s'était jamais totalement estompé). Ce qui pourrait être doublement une bonne nouvelle. L'antidépresseur idéal est celui qui arrive à se faire complètement oublier.

La seule indication valable concernant les crises, c'est leur intensité et le temps qui s'écoule entre deux crises consécutives. Pour cela, je ne peux pas faire grand-chose d'autre que d'attendre et de prendre les événements en note. Et plus j'attends, plus c'est bon signe. Pour l'instant, on est quand même encore à moins d'une semaine de la dernière, qui n'a pas été trop violente, mais qui a quand même laissé des traces. Il y a donc encore du chemin à faire.

C - Days 40 & 41 C - Days 44 & 45

© 2000 Pierre Igot

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