ÉVOLUTION


Je crois bien que ce dont il est question ici, c'est la fin de la littérature accueillante — celle qui vous dit : « oui, vous avez raison de lire », « oui, j'ai eu raison d'écrire », « venez voir le beau jeu de sens auquel je me suis livré », etc.

C'est aussi la fin de la nécessité perçue d'un remplacement : ce n'est pas parce que la littérature accueillante doit mourir qu'il faut la remplacer par une autre. Cette obligation n'est inscrite nulle part. Vous ne pouvez donc pas proposer de solution de remplacement sans y inclure l'avertissement qu'il se peut fort bien que l'idée même d'un remplacement de cette littérature morte n'ait absolument aucun sens.

Ce qui est définitivement nouveau ici (et je dis « définitivement » au sens que cette nouveauté est décidément irréversible), c'est le fait qu'AUCUN des êtres actuellement vivants — et partant aucun de ceux qui vont leur succéder, à moins qu'on y fasse vraiment quelque chose — n'a encore la force d'avoir honnêtement la conviction qu'il détient LA solution unique à tout le problème. (Je ne parle évidemment que des gens dont la conviction pourrait servir à quelque chose.)

Il y a donc un ramollissement irréversible de la masse pensante de notre espèce et je ne vois à cette impasse que deux issues :

De toute évidence, comme je suis encore humain et que je suis toujours faible, je m'attache davantage à cette seconde solution. Je suis prêt à la défendre de toute ma force faible, à tâcher de la mettre en place même s'il n'existe aucune place définie où la mettre, mê;me si je n'ai aucune idée du résultat ni du but — sans doute pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a pas et qu'il n'y en aura sans doute jamais (de discernable).

Il reste maintenant à en écrire le premier « manifeste », ou plutôt les premières tentatives de manifeste, car il est entendu que cette solution ne s'inscrira que dans la mesure où ses manifestes ne durent pas.

La présente absence de « véritable » support nous semble aussi, dans un tel contexte, tout à fait appropriée.

Welcome 2 The Dawn.


© 1998 Pierre Igot

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