Z - DAYS 12 & 13


Grande lassitude sur le plan psychologique. L'examen radiologique d'hier a pris finalement beaucoup plus longtemps que prévu (il fallait attendre que le radium parvienne jusqu'au bout de l'intestin grêle et puis il y avait la queue), ce qui n'a évidemment pas enchanté mon système digestif, mais le reste de la journée ne s'est pas trop mal passé. La piscine a fait du bien — peut-être pas autant que la première fois, mais quand même — et le mal de dos de fin d'après-midi a été dans l'ensemble tolérable.

Aujourd'hui, en revanche, les choses ont mal commencé dès le réveil. Pas un mal particulièrement intense, mais tout de suite cette impression de grande fragilité mentale qui, après que je me suis mis à l'exprimer, a fini par dissuader C. d'aller faire sa longue promenade matinale habituelle. Les choses se sont un peu dissipées pendant la matinée et j'ai même découvert que mon système n'était pas si lent que cela ces temps-ci puisque j'ai déjà commencé à avoir les premières selles plus claires que la normale. Malheureusement, après cela, le mal de dos a décidé de m'attaquer avec force avant le repas de midi. Résultat : pendant le repas même, soudaines douleurs, soudain malaise et soudaine angoisse à l'idée de devoir partir comme ça dans moins d'une heure pour Y*** pour aller voir Dr A. On passe très vite ainsi d'une situation plus ou moins stable à un état de « presque crise » où l'angoisse, la peur triomphent sans difficulté de tout argument, de tout raisonnement intérieur, de tout effort délibéré pour se détendre physiquement et mentalement. On se dit alors simplement que « ça va aller » sans y croire du tout et on part. On reste comme ça sur la tangente pendant tout le trajet, avec de petites poussées qui font un peu plus peur encore, mais on finit par arriver et, pendant une heure, on est dans ce cabinet en face de ce zouave qui continue à répéter les mêmes choses et à me sortir maintenant qu'il faut que j'y croie pour que ça marche, son truc. Ce qui est bien beau, sauf que, pour que j'y croie, il faudrait que ça marche et, si j'y croyais, je n'aurais sans doute pas besoin de lui, d'ailleurs. Or pour l'instant je ne peux que constater que tout ce qui semble susceptible de marcher, ce sont les pilules, pas lui. Je lui dis que ça ressemble quand même un peu à du chantage, son histoire, il me dit que c'est un grand mot, ça, chantage, eh oui, que voulez-vous, je ne vais pas faire dans la dentelle pour vous faire plaisir, monsieur A. Et puis son histoire d'émotion qui va s'amenuiser si je la laisse m'envahir tout à fait, elle commence à me faire braire aussi. Évidemment que les émotions intenses, ça dure jamais éternellement — mais je ne vois pas en quoi c'est une solution pour moi, ça. Et puis je ne vois pas en quoi ça règle le problème de la fréquence à laquelle ces émotions reviennent m'assaillir. Je lui dis. Il me dit qu'il a une réponse pour ça aussi. Mais, au bout du compte, j'ai l'impression qu'il n'en a pas vraiment, il me répète les mêmes choses, que me laisser aller, laisser l'émotion battre son plein, ça contribuera aussi à en diminuer la fréquence, ben voyons, c'est la recette miracle, paniquez et vous paniquerez moins, et moins souvent, makes total sense, doesn't it.

Bref, pas vraiment content au bout d'une heure, pas vraiment beaucoup d'espoir qu'on aboutisse à quelque chose, on va continuer encore un peu, je suppose, mais je n'ai vraiment pas l'impression d'avancer. Par contre, je sors de son cabinet, je vais aux toilettes, je sors, je me rends à la voiture, je vais au magasin de chaises de bureau, j'entre, je commence à discuter avec un vendeur — et là ça va un peu mieux, je me sens moins paniqué, j'ai un peu moins mal. J'emprunte une chaise et je rentre sans trop d'angoisse, contrairement à jeudi dernier, où j'étais un peu parti dans la même situation.

Bien sûr, la journée se termine avec pas mal de douleur. Il fait chaud, lourd, P. est venu travailler sans son fils D. aujourd'hui qui fait la gueule, je ne sais pas trop quelle histoire, C. a passé la journée à l'aider, alors, à la place. Moi, j'ai passé une journée à être las de toute cette merde, à être jaloux de ceux qui jouissent des choses en toute insouciance, à paniquer, à avoir mal, bref, à tout gâcher. Et ce n'est même pas de ma faute.

Z - Days 10 & 11 Z - Days 14 & 15

© 2000 Pierre Igot

Retour au tableau chronologique

Retour à la page titre