Z - DAYS 62 TO 64


Qu'est-ce que j'avais dit ? Il faut se méfier... plus que jamais se méfier, du bon autant que du mauvais. La semaine a peut-être bien commencé, mais les choses ont vite dégénéré... Pourquoi ? Comme d'habitude, je n'en sais rien. Je n'ai rien fait de différent. Je n'ai rien provoqué, consciemment du moins.

Tout de suite beaucoup plus de raideur et de douleur mardi matin. Rendez-vous chez J.W. vite passé, bien trop vite à mon goût, j'espère qu'on aura plus le temps de construire quelque chose qu'on en a eu cette fois-ci, parce que, à ce rythme, ce sont des dizaines de sessions qu'il faudra avant d'arriver quelque part. Grosse diarrhée de nouveau en début d'après-midi et puis surtout grosse douleur au bas du dos qui revient à 16 h et qui ne part plus. Les choses « explosent » durant la soirée avec toute la panoplie des symptômes habituels et le retour de la panique. Très décourageant, évidemment, puisque je pensais avoir fait de gros progrès de ce côté-là, grâce au Z.

Mercredi, même horreur au lever, je petit-déjeune et me rends tout de suite chez Dr C. pour cette histoire de diarrhée, j'arrive tôt, je suis le premier, je n'aurai pas trop à attendre au moins. Comme toujours, sympathique et essayant de me rassurer. Non, l'odeur d'oeuf pourri n'est pas un signe de problème d'absorption, c'est du méthane, ce sont simplement mes bactéries intestinales qui déconnent. Oui, c'est sans doute dû au Z, même si c'est bizarre, puisque d'habitude les gens ont ce genre de symptôme au début du traitement et puis ça passe — mais on ne va pas arrêter maintenant, alors que je commence à voir des progrès. Je lui demande s'il pense que ça pourrait passer tout seul, avec le temps... Il ne sait pas. Ce n'est pas une réaction habituelle à la pilule. On va donc essayer de contrôler ça avec... une autre pilule. Un truc pour la colopathie fonctionnelle, du « Modulon ». Rien de bien méchant, apparemment, et si ça peut aider... Je lui dis aussi que j'ai un rendez-vous avec un autre gastro-entérologue en mai 2001 et il lève les yeux au ciel. Il m'assure que ce n'est pas la fautes des spécialistes, mais du « système ». Bien sûr — encore que, quand certains spécialistes ne voient de patients que deux jours par semaine, ça n'aide pas. Mais ils ont sûrement d'autres choses très intéressantes à faire. Éternel dilemme entre la recherche et la pratique, je suppose. J'ai connu ça en tant qu'enseignant. Mais il me semble que, dans le domaine de la santé, plus que dans n'importe quel autre domaine, on ne peut pas se permettre d'avoir de tels dilemmes. Il faut tout simplement les résoudre en injectant plus de fonds, en embauchant plus de gens avec des salaires et des horaires raisonnables.

Dr C. me dit que je devrais voir une amélioration d'ici une semaine et m'invite évidemment à revenir le voir.

J'achète le M à la pharmacie et je rentre. Mais j'ai mal, de plus en plus mal, d'un mal qui me décourage profondément. Je me sens faible, infirme. J'en ai marre. Je craque un peu, verse quelques larmes dans les bras de C. Ça soulage un petit peu. Je la conduis au travail. Je travaille un peu. Je me force à aller à la piscine à midi, avec pas mal d'anxiété à cause de tout ce mal. Je commence par dix longueurs. Ça va pas trop mal. J'en fais dix de plus. Ça va moins bien. Comme des brûlures dans la nuque, signe généralement d'une combinaison douleur dorsale / anxiété que je n'aime pas. Je fais un peu la planche et je reprends. Les dix suivantes passent de nouveau mieux. J'arrive à penser à autre chose. Je refais une pause et je finis par en faire encore dix sans avoir l'impression de forcer. Ça fait quarante, comme « au bon vieux temps » d'une santé un peu meilleure et comme les deux dernières fois. Certes, avec plus d'anxiété et une vitesse un peu moindre, mais quand même.

Je sors de la piscine et me sens un peu étourdi — là encore, signe typique d'une phase de crise. Je prends ma douche tout seul dans les vestiaires et j'ai bien quelques bouffées d'anxiété, mais rien de trop méchant. Je vais apporter à C. sa montre qu'elle avait oubliée à la maison et je rentre, en l'assurant que ça va « un peu mieux ». Je prends le premier M et je mange seul (les charpentiers sont déjà de retour au travail), je n'arrive pas à avaler tout le contenu de mon assiette, mais au moins ce que j'ai avalé semble passer.

Je ne sais pas si c'est un effet immédiat du M ou juste une coïncidence (sans doute), mais j'ai pour la première fois depuis longtemps des selles qui ne sont pas complètement informes. C'est toujours très mou, trop mou, mais c'est un peu mieux et ça sent moins mauvais. Peut-être que ça va quand même passer, après tout. Mais je vais quand même prendre le M. Les choses se calment un peu en fin d'après-midi. Du moins du côté du dos. Parce que le ventre prend bientôt le relais avec d'énormes douleurs après le repas. Mais ces douleurs m'abattent moins. Elles me « touchent » moins psychologiquement. C'est difficile à expliquer, cette différence entre les douleurs qui m'affectent psychologiquement et celles que je supporte mieux sur ce plan. Ce n'est pas une pure question d'intensité, parce que ces douleurs abdominales hier soir étaient bel et bien très intenses. Ce n'est pas non plus une question de familiarité, puisque toutes les douleurs que j'éprouve me sont relativement familières, même celles qui me font le plus peur. Il est rare que je ressente une douleur à un endroit nouveau ou de nature complètement nouvelle.

Et pourtant certaines m'affectent plus que d'autres. Certaines me « prennent la tête » en même temps que le corps, me font perdre la maîtrise de mes pensées, de mes émotions. Pourquoi ? Je ne sais pas. Il y a des jours où j'aurais tendance à dire que ce sont plutôt les douleurs dorsales et articulatoires (poitrine, grosses articulations) qui ont cet effet-là, mais ce n'est pas exact. Il y a aussi des douleurs abdominales qui me font affreusement peur. Celles qui se situent plutôt dans le haut du ventre, en profondeur, ou sur le côté gauche, dans cette région pleine d'inconnu et d'étrange. Inversement, il y a des douleurs articulatoires qui ne me touchent pas trop (dans les hanches, par exemple) et puis surtout il y a le fait que j'ai vécu pendant quatre ans avec des douleurs dorsales sans que cela suscite vraiment de la panique en moi — grâce au P. Non, décidément, il est très difficile d'établir une classification et d'isoler les types de douleur sur lesquels je dois, de toute évidence, travailler le plus ou pour lesquelles j'espère que le Z va continuer à m'aider de plus en plus.

Car le Z m'aide, malgré tout. Aujourd'hui, par exemple, encore une fois, grosse douleur dans le dos ce matin à partir de 10 h. Décourageant, très décourageant — mais cela n'est pas parvenu à susciter une véritable anxiété en moi, même après le départ de C. Et puis j'arrive à manger sans que cela provoque des réactions incontrôlables, comme ça pouvait encore le faire parfois il y a quelques semaines à peine. En général, tous les repas « passent » raisonnablement bien. (L'alcool, c'est encore une autre histoire. On est loin du compte et je n'essaye donc encore que très rarement. C'est que j'ai peur d'aller trop vite en besogne, aussi. Ici aussi, je me méfie.)

Mais ça ne suffit pas, pour le moment, à me redonner une vie « tolérable ». Je continue à être traversé de pensées très décourageantes, du genre : « On ne va jamais en sortir. » Comme je l'ai déjà dit, il faudra une bonne semaine complète sans grosse crise pour que je commence vraiment à me sentir rassuré, à avoir le sentiment d'avoir accompli de véritables progrès. En attendant, ces hauts et ces bas continuent à me faire peur, à inquiéter C., qui en parle à sa soeur, qui évoque de nouveau la possibilité de m'envoyer dans une clinique privée au États-Unis pour faire faire des tests et voir des spécialistes sans ces délais monstrueux et intolérables. On hésite, on ne sait pas s'il faut qu'on lui dise : oui, allons-y, va pour la clinique, au point où on en est... On a encore envie d'espérer que les choses vont s'améliorer assez pour qu'on n'ait pas besoin de prendre de telles mesures.

Pendant ce temps, je continue à téléphoner à la secrétaire de Dr M. tous les jours. Ce matin, elle m'a rappelé en me disant qu'il lui avait dit qu'il allait m'appeler « ce soir ». J'attends de voir. Il serait temps. Cela fait cinq semaines — alors qu'il avait promis de nous aider promptement. On ne peut tout simplement pas compter sur les gens.

Bon, il est 15 h, je vais encore travailler un peu. J'ai plein de bouffées de chaleur, je ne sais pas pourquoi, ça me fait un peu peur, je suis un peu anxieux, j'essaye de me raisonner, S. dort en boule à côté de moi, j'envie son insouciance, la simplicité de son être, de sa vie, même quand il est malade, il ne panique pas, il n'est pas anxieux, il se recroqueville simplement dans un coin et attend que ça passe ou que ça le tue, dès qu'il ressent de nouveau un peu de plaisir son ronronnement reprend, c'est si facile, si simple, si logique.

Z - Days 60 & 61 Z - Days 65 to 67

© 2000 Pierre Igot

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