Z - DAYS 102 TO 105


Voyage à H*** pour une réunion de travail (lors de laquelle j'étais censé faire une présentation) et l'examen de la colonne par IRM et le rendez-vous avec Dr M. le jour suivant (le jour de la réunion). Le pauvre père de C. a de nouveau des ennuis dans son système urinaire, mais ça a l'air de passer. On finit par se dire « Take care! » ou « Good luck! » l'un à l'autre chaque fois qu'on se quitte ou qu'on clôt une conversation téléphonique.

Rien à signaler en ce qui concerne l'IRM proprement dit. Grosse machine, gros bruit, agaçantes vibrations, mais je ne suis pas claustrophobe et, avec trois calmants par jour dans le système, il n'y avait pas trop de risques que je me mette à paniquer. Ce qui n'a effectivement pas eu lieu, même si les vibrations ont eu tendance à me faire un peu tourner le ventre de temps à autre. La technicienne m'avait mis des écouteurs sur les oreilles et j'ai donc tenté d'écouter, à travers le bruit de la machine, une station de radio très mauvaise pendant une demi-heure, avec les interruptions ici et là de la fille pour me dire « attention, ça va bouger un peu » ou « encore un coup de cinq minutes cette fois ». En sortant de là, alors qu'elle m'enlevait l'écouteur des oreilles, je lui ai quand même dit que ce n'était pas « ma station préférée ». Ça l'a fait rire. C'est toujours mieux que de faire le ronchon ou l'épave. Le père de C. est un expert dans ce domaine. Même dans les pires moments sur le plan de sa santé, il trouve toujours le moyen de dire des plaisanteries originales aux infirmières et, comme il est bien élevé, ses plaisanteries ne sont jamais du genre cochon. C'est tout à son honneur. Ça explique peut-être pourquoi il est toujours si bien traité dans les hôpitaux. Je fais ce que je peux de mon côté, mais je ne vois que très peu d'infirmières, alors ça a peu d'effet. Et les médecins, de leur côté, ont un sens de l'humour nettement moins développé. Je ne sais pas si c'est leur formation ou la charge de travail, mais, en général, ça ne passe pas. Cela m'a d'ailleurs été confirmé par le père de C., qui m'a raconté la plaisanterie qu'il avait sortie à une infirmière qui savait qu'il était de nationalité anglaise le soir de la cérémonie des Oscars en 1998 ou 1999 (je ne sais plus) sur le fait qu'il fallait qu'elle se dépêche de finir sa prise de sang ou je ne sais quelle procédure à laquelle elle était en train de se livrer parce qu'il devait se trouver à Los Angeles le soir-même. Quand elle l'avait regardé d'un air très étonné et lui avait demandé pourquoi, il lui avait répondu, pince sans rire : « Oh yes, you know, I am the English Patient ». Apparemment, l'infirmière s'était retrouvée pliée en deux pendant une demi-heure. Quand le médecin était arrivé, elle s'était précipitée vers lui en lui disant qu'il fallait absolument qu'elle lui raconte la blague que le père de C. venait de lui faire. Il avait écouté. Il n'avait pas bronché. L'infirmière était repartie en haussant les épaules et en disant : « He'll get it tonight. »

Tout ça pour dire que, non, il semble que les médecins ne partagent pas le sens de l'humour de leurs collègues de « rang inférieur » et je peux confirmer cela en ce qui me concerne. Or comme ce sont surtout des médecins que je vois (et de sexe masculin de surcroît !), mon « charme » n'a qu'un effet très limité de ce point de vue. C'est comme ça.

Réunion de travail le lendemain. J'ai bien eu quelques angoisses au réveil puisqu'il fallait que je me rende en ville tout seul, trouve ce bâtiment que je ne connaissais pas et « tienne le coup » jusqu'au moment de ma présentation. (Je n'avais pas trop peur d'éprouver des difficultés une fois lancé dans la présentation. La tension que ce genre d'activité « publique » entraîne a tendance à oblitérer le reste, sauf quand on est dans un état vraiment grave.) En fait, tout ça s'est passé relativement facilement. J'ai trouvé le bâtiment sans trop de difficulté, mon ventre et mon dos m'ont laissé tranquille jusqu'à 9 h 30 et je n'ai pas eu plus d'angoisse que j'ai pu en avoir par le passé avant une présentation en public. La présentation elle-même a pris beaucoup plus de temps que prévu parce qu'elle portait sur un sujet éminemment « sensible » (les questions de ponctuation, de mise en forme, de style, etc. dans les documents publiés par la section française du ministère) et il a fallu l'interrompre avant la fin. Je continuerai et terminerai donc lors de la prochaine réunion avant Noël.

Je me suis éclipsé immédiatement après et nous nous sommes bientôt retrouvés dans le bureau de Dr M, qui avait les résultats de l'examen par IRM de ma colonne. Rien à signaler, évidemment. De petites traces de choses sans signification. Certainement rien de « grave » qui puisse, à son tour, expliquer la gravité de mes symptômes. Il m'a examiné une nouvelle fois sans rien trouver de remarquable et on a quand même passé une petite heure dans son bureau, mais il lui a bien fallu reconnaître, au bout du compte, qu'il avait fait à peu près tout ce qu'il pouvait dans notre cas et que la prochaine étape significative serait le passage à la clinique de B***. Il n'a pas dit qu'il renonçait à nous aider par après, mais tout va dépendre évidemment des résultats de cette visite.

Difficile de ressentir quoi que ce soit au sortir de son bureau, après l'avoir remercié sincèrement pour toute son aide et pour ses voeux de « bonne chance ». Pas du soulagement, certainement pas, puisqu'on en est toujours au même point. Pas de l'agacement non plus puisque tout cela n'est rien de nouveau, que c'est le même refrain depuis cinq ans. Pas de découragement, peut-être à cause du voyage à venir à B***, peut-être simplement parce qu'on a atteint, après les crises des dernières semaines et les résolutions qu'il a fallu prendre, un « au-delà » du découragement. Alors on est simplement rentrés grignoter quelque chose chez le père de C. et faire nos valises. C. était en fait en moins bon état que moi, avec un terrible mal de tête et j'ai conduit pendant la majeure partie du trajet.

On a ouvert la maison, rangé nos emplettes, défait nos valises, allumé l'ordinateur, nourri les chats et repris le petit rythme qu'on essaye de rendre tranquille en dépit de tout de notre vie quotidienne dans ce joli coin perdu. J'ai attrapé S. sur AOL qui a été tout surpris d'apprendre que l'IRM n'avait rien montré. Il s'attend encore à ce qu'on trouve quelque chose d'évident chez moi, une maladie « normale ». Je lui ai expliqué : « It's gonna take a very good doctor and very specific tests to figure out what's wrong with me. » Je suppose qu'il va comprendre, à force, comme tous les amis qui se sont intéressés à mon cas au fil des ans.

Ceci dit, je n'ai pas eu de grosse crise depuis jeudi dernier, ça fait donc quasiment une semaine. C'est sans doute une combinaison de choses : la dose de calmants avant tout, mais aussi le fait que C. est en vacances, et puis toutes ces « distractions » qu'ont été le voyage à H***, l'examen médical, la réunion, etc. Après B***, il ne restera plus que la dose de calmants. On verra bien.

D'un autre côté, après B***, les choses seront peut-être complètement différentes. Qui sait.

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© 2000 Pierre Igot

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