Z - DAYS 124 TO 127


Poursuite de la remontée lente, très lente... Il ne faut pas le nier : ça va mieux, un peu mieux, on a franchi un palier, même modeste. C'est sans aucun doute possible lié à la prise d'E. On va sans doute augmenter la dose à 20 mg dès ce soir, sans attendre le rendez-vous du 8 décembre avec Dr M. à H***. Parce qu'on ne peut pas vraiment se permettre d'attendre encore, psychologiquement. Il y a toujours la crainte que ça se dégrade de nouveau, qu'on retombe en arrière et il faut prendre assez d'avance pour avoir être presque certain que ça ne peut pas se reproduire si facilement.

Les derniers jours l'ont d'ailleurs confirmé : on est toujours aux alentours de la limite. Un jour, c'est le cou qui est traversé de pointes de douleur aiguës, qui donne mal à la tête, mal au coeur, on se dit que c'est peut-être l'E qui nous fait dormir trop lourdement, dans une mauvaise position. (C'est une de ses fonctions principales, favoriser le sommeil profond, vraiment réparateur.) Un autre, c'est de nouveau le bas du dos, jamais en reste, toujours désireux de se rappeler à notre bon souvenir. Et puis on ne chie pas correctement non plus depuis quinze jours, alors il y a un peu d'inquiétude qui s'accumule, on essaye de ne pas trop s'en faire, de patienter, mais c'est difficile quand on connaît le potentiel d'élargissement abusif de ce colon difforme.

La chose qu'on observe et qu'on ne peut pas nier, par contre, c'est que l'E semble avoir eu un effet direct et certain sur les douleurs abdominales. Elles sont clairement descendues d'un cran. C'est un peu inattendu, mais, en même temps, c'est tout à fait possible. C'est bien le gastro-entérologue de la clinique de B*** qui a dit que le Z et l'E marchaient très bien ensemble. Il faut peut-être juste un peu plus d'E, alors, pour les progrès deviennent vraiment palpables, quantifiables, extériorisables.

Reçu la première salve de lettres de B*** cette semaine. Pas des factures, contrairement à ce à quoi on s'attendait, mais des mots du neurologue et du rhumatologue. Le neurologue envoie simplement des copies de ses observations, mais aussi la description technique des lésions cérébrales dont je sais désormais qu'elles me caractérisent :

Impression :
1. Increased signal intensity in the subcortical region of the right frontal cortex. The etiology of this is unclear, however this may represent a remote contusion. Otherwise, unremarkable MRI of the brain. In particular posterior circulation and cerebellum are within normal limits.

Rien de grave, comme je vous le disais, mais c'est quand même bon à savoir. Et puis je ne dénombre plus les personnes (belle-famille, amis, collègues, médecin de famille, etc.) qui n'ont pas pu s'empêcher de me dire : « Geez, just how smart would you have been if you hadn't had brain damage ? » C'est gentil, mais bon, the novelty wears off.

Le rhumatologue, par contre, avait quelque chose d'intéressant à ajouter — et c'est d'ailleurs pour cela qu'il a envoyé une lettre. Cette lettre contenait simplement la fiche technique des analyses et tests qu'il avait fait effectuer sur moi, avec entouré au stylo un résultat qu'il n'avait pas remarqué lors de notre visite : mon taux de testostérone est anormalement bas. La normale se situe entre 16 et 41, et je suis à 11,9. Ah. Il a griffonné au coin de la feuille :

I noted your testosterone level is low; whether this is responsible for some of your fatigue is unclear but at least should be considered. An endocrinologist may be able to help.

C'est bien, quand même, ils ne s'embarrassent pas de formalités, au sud de la frontière. Pas de lettre avec en-tête, pas de paragraphes tout faits. Juste une petite note griffonnée à la main au coin de la photocopie d'une analyse. Pendant ce temps, ici, comme nous l'a avoué Dr M., le système met parfois jusqu'à trois semaines pour recracher les commentaires qu'a dictés le docteur à sa machine sous forme imprimée qui puisse être envoyée au patient ou au docteur. Là encore, légère différence.

Bon, alors que faire de ça ? Sais pas trop. C'est normalement quelque chose qui arrive à des hommes qui ont la cinquantaine, qui passent par l'« andropause », cette espèce de ménopause masculine. On n'avait jamais songé à vérifier ça chez moi avant. J'ai donc peut-être un taux anormalement bas depuis très longtemps. Je n'ai pas exactement les symptômes sexuels se rattachant à la chose (mais c'est difficile à dire avec l'effet des psychotropes, quand même). Bref, il va falloir « investiguer », comme ils disent. Une autre faveur à demander à Dr M. (« Pourriez-vous nous avoir un rendez-vous avec un endocrinologue assez vite, s'il-vous-plaît ? ») le 8 décembre prochain.

Mais quand même, c'est intéressant. Ça faisait des années que je subissais toutes sortes d'analyses et de tests sans qu'on trouve rien, et il suffit de quatre journées à B*** pour qu'on me trouve toutes sortes de choses intéressantes. Bien sûr, c'est peut-être juste à cause de l'approche « en force » de Dr F. avec ses trois mille tests différents juste « au cas où ». Et la moitié de ces résultats « intéressants » sont peut-être sans signification pour ce qui est de mon état de santé actuel. Mais quand même. C'est intéressant.

Comme il se doit, j'ai pris les recommandations de Dr P., vu la semaine dernière à H***, un peu trop à la lettre trop rapidement et mon corps m'a balancé un gros « hola ! » deux jours plus tard, me signifiant ainsi qu'il valait sans doute mieux prendre les choses une à la fois et les introduire progressivement dans mon quotidien. Il n'y a pas à dire, c'est sans aucun doute un de mes problèmes, cette tendance à vouloir faire tout tout de suite, à vouloir tout de suite « forcer ». Faut que ça change.

Comme par hasard, j'ai fait la « connaissance » électronique d'un kinésithérapeute de V*** cette semaine. Il a commencé par entrer en contact avec moi parce qu'il avait lu mes commentaires fournis sur la dernière version de Microsoft Word pour le Mac, que je publie sur divers forums et qui semblent intéresser pas mal de gens. Et puis, de fil en aiguille, j'ai découvert qu'il avait un site Web pour son cabinet de kinésithérapie, qu'il avait écrit un article sur ce site concernant... le fameux Myofascial Pain Syndrome, alors je n'ai pas pu m'empêcher de lui glisser un mot au sujet de mes problèmes de santé, et paf ! Il s'est déclaré très intéressé, a dit qu'il était lui-même passé par une phase semblable, il a commencé à me poser des questions... et j'ai fini par devoir arrêter de ranger ses messages dans la boîte aux lettres « Macintosh/Courrier/Microsoft Word » et commencer à les ranger dans « Santé/Courrier/[son nom] ». Et si ça continue, ça risque même de finir dans « Famille et amis/[son nom] » (je ne distingue pas). On ne sait jamais. En l'espace de quelques journées, on en est déjà à parler de choses très « intimes » (dans mon état, forcément, ça prend pas trop longtemps) et à s'envoyer des fichiers à lire ou à relire. (Il voulait que je relise son article sur la nécessité de se tenir « bien » avant qu'il le publie sur son site, comme ça m'intéressait. Je l'ai trouvé très bien, cet article. Très nuancé. Très convaincant.)

L'intéressant, dans tout ça, c'est que, dans son approche, il insiste bien sur la nécessité d'y aller doucement, sans forcer. Qu'il n'y a rien de pire que les extrêmes. Qu'il faut prendre une chose à la fois. Que tout le monde est une victime du Myofascial Pain Syndrome en puissance. Que c'est une question de facteurs. Que ce n'est de toute évidence pas, selon lui, la seule chose dont je souffre. Mais quand même. Il en a pas mal à m'apprendre, on dirait. Et ça me réjouit. Dommage qu'il habite à l'autre bout du pays (qui est grand). Quant à moi, eh bien, je peux déjà relire ses articles — et puis aussi sans doute l'aider à mieux utiliser son Word et son Mac. It's a deal.

P. a approuvé mon article et l'a posté tout de suite sur le site. Il n'a pas eu autant d'impact que le précédent, évidemment (il redit un peu les mêmes choses, et puis il n'a pas été diffusé par d'autres moyens, comme l'autre).

Alors voilà. Vous faites le compte. J'ai fait tout ça, depuis quinze jours, et bien d'autres choses encore (comme écrire des textes, plusieurs). C'est un signe. Qui ne trompe pas. Ça va mieux. Je suis de nouveau « productif ». Ce n'est pas que je ne le suis pas quand ça ne va vraiment pas, mais je le suis moins, de toute évidence, et je m'accroche à ce qui existe déjà au lieu de m'aventurer dans de nouvelles voies. C'est compréhensible, il me semble.

PAR LES TEMPES

Par retour de la crainte entière
Je veux dire évolution dans le sens faux
Du plomb d'un poids insoulevable

Tous mes textes s'auto-détruisent

Faut-il à nouveau envisager le pire ?

Je pourrais les forcer à se préserver
En se détachant de moi avant l'accroc

Avoir peur de son coeur qui bat
Sentir chaque battement secouer les veines
Comme s'il était
Le dernier

Je pourrais essayer des procédés
Satisfaire le désir d'être manipulé
Selon la coutume

Avoir peur quand on inspire
D'attendre trop longtemps
De n'être pas assez patient
D'excéder la capacité

Se réfugier dans un soupir

Tous les canaux de la pensée
Finissent par se rejoindre
Quand ils le font sans sentir ce qu'ils ont perdu
Tout peut être beau

En attendant la main sur le coeur
Contre la poitrine
Je sue et je trace un cri
Sur l'air des refrains du ventre
Par les tempes

Z - Days 117 to 123 Z - Days 128 to 135

© 2000 Pierre Igot

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