Z - DAYS 14 & 15


Deux journées correctes. À force de hauts et de bas, quand je suis faible, je deviens à l'occasion superstitieux et je me laisse aller à faire des déductions idiotes du genre : j'ai moins mal les jours où je ne fais pas l'amour, j'ai moins mal si je ne mange pas ceci ou cela la veille (alors que je sais pertinemment que c'est faux), etc. — et j'élabore des stratégies en fonction, toutes plus inutiles les unes que les autres. Et ça ne me rassure même pas.

Eh bien ce coup-ci, rien de tel. Hier et ce matin, je n'ai rien fait de spécial en préparation du rendez-vous de l'après-midi avec Dr A., j'ai fait des choses que j'avais faites lundi et mardi matin afin le rendez-vous du mardi après-midi à l'occasion duquel j'avais eu si mal — et ça ne s'est pas trop mal passé.

Oh, n'exagérons rien, les douleurs sont toujours là, continuent de se promener de gauche à droite, de haut en bas. Mais ça n'a pas de conséquence tragique. Ça ne me fait pas paniquer. Ça ne me « violente » pas. Ça fait mal, ça m'affaiblit un peu, mais je reste plus ou moins « fonctionnel ». Et il est possible que ce soit parce que le Z commence à faire effet. Je n'ai pas changé la dose depuis une semaine, alors ça devrait s'être stabilisé dans le corps, et puis ça fait deux semaines maintenant que j'ai commencé, on ne sait jamais, c'est possible que ça commence maintenant, si ça marche, ça va forcément être très progressif, alors il faut bien que ça commence à un moment ou à un autre et je suis encore si attentif à ce qui se passe dans mon corps et dans ma tête qu'il y a de bonnes chances pour que je le remarque tout de suite — ou aussi pour que je croie remarquer une amélioration qui n'en est pas une, d'ailleurs. On va bien voir.

Je suis revenu, avec Dr A., sur les choses dont on avait parlé mardi, en particulier sur cette histoire de chantage et d'idée qu'il fallait que je croie à la possibilité que ça marche pour que ça marche. Il m'a écouté attentivement, a semble-t-il bien compris ce que je lui disais (qu'il ne pouvait pas me demander comme ça de croire, que ça n'avait pas de sens, que ça ne correspondait pas à ma personnalité et qu'il me semblait qu'il faille qu'il adapte son approche à ma personnalité, dans une certaine mesure en tout cas). Il a concédé que je lui avais « appris » quelque chose, à savoir que l'emploi du terme croire (to believe, en l'occurrence) était peut-être trop « brutal », qu'il comprenait ma réaction. Le terme n'est pas faux en soi, mais cette « croyance » nécessaire devrait normalement rester quelque chose d'implicite et le fait même d'en parler de façon explicite comme il l'a fait la dernière fois a pu avoir un effet trop brutal sur notre relation.

Je lui ai quand même demandé de revenir sur les conséquences logiques de tout cela, à savoir : à quoi bon continuer si je ne remplis pas les conditions requises (c'est-à-dire que je n'y crois pas a priori, qu'il me faut des preuves, au moins des signes qu'il est possible que ça marche) ? Sa réponse a été très honnête, au fond. Il m'a simplement dit que, comme toujours, la décision de continuer ou d'arrêter me revenait. Qu'il ne pouvait pas me demander de changer d'avis sur quoi que ce soit. Que c'était à moi de décider. Et, en décidant, je suppose, d'admettre ou de ne pas admettre que je crois qu'il est possible que ça marche.

Il m'a aussi rappelé que la raison pour laquelle il m'avait proposé une psychothérapie et que je l'avais acceptée était que je lui avais dit que, même avec le P, de 1995 à 1999, j'avais certes atteint une certaine « stabilité » qui me permettait de fonctionner, de vivre plus ou moins normalement et de jouir d'un certain nombre de choses, mais je n'étais pas satisfait de mon état physique et mental, que je voulais, au fond, revenir à l'état antérieur à 1995 et que cela valait la peine, selon lui, d'essayer de voir si la psychothérapie permettrait d'y revenir. Pas évident, bien sûr, dans la mesure où, si mon mal a la moindre origine purement physique (encore non déterminée), ce n'est pas un traitement « mental » qui va parvenir à m'en débarrasser. Mais, comme justement l'origine de mon mal est indéterminée, l'hypothèse que tout soit d'origine psychique, même si les symptômes physiques sont bien présents et bien réels (on ne sépare pas comme ça la tête du corps), reste valable et mérite qu'on l'explore.

J'ai également évoqué J.W. et le fait que je me demandais évidemment s'il n'y avait pas des chances que ça marche (mieux) avec elle. Il m'a là encore répondu intelligemment en me disant que c'était évidemment tout à fait possible, mais que le fait même que je garde constamment cette « possibilité J.W. » à l'esprit était sans doute quelque chose qui entravait son propre travail. Il m'a alors proposé un « marché » : oublier J.W. jusqu'à mon prochain rendez-vous avec J.W. (le 9 août, dans deux semaines) et voir ce qui se passe d'ici là avec lui. Et décider à ce moment-là (en gros). J'ai accepté.

Il a aussi évoqué le fait que tout ce travail était évidemment difficile, très difficile, que ça revenait souvent à ouvrir la fameuse « boîte de Pandore » des choses non dites qui peuvent avoir une influence significative sur tout ce qui se passe. Je lui ai alors dit que je n'avais vraiment pas eu, jusqu'à présent, l'impression d'avoir ouvert quoi que ce soit, qu'on n'avait pas du tout exploré la moindre question « cachée » de ce type. Il en a convenu et m'a expliqué qu'il avait essayé, à l'occasion, mais que je ramenais constamment la conversation sur le sujet des symptômes dont je souffrais. Je lui ai dit que j'étais surpris qu'il ne m'ait pas dit ça plutôt (c'est évidemment vrai), je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu que toutes ces choses prenaient du temps, qu'on ne pouvait pas brusquer les choses.

Bref, il m'a paru honnête et raisonnable. Seul bémol : quand il s'est mis à me raconter à nouveau une histoire qu'il m'avait déjà racontée lors d'une de nos premières sessions, en pensant que c'était la première fois que je l'entendais. Je l'ai interrompu assez vite pour le lui dire et il a essayé de se rattraper, en sautant tout de suite à la conclusion qu'il tirait de l'histoire (puisqu'il me l'avait déjà racontée), mais j'avais déjà entendu la conclusion aussi et je n'ai donc pas été trop impressionné. C'est évidemment difficile pour lui de se souvenir des histoires qu'il a déjà racontées à chacun de ses patients et ce dérapage ne fait que révéler une faiblesse toute « humaine ». Il n'empêche que ça a fait un peu tache sur une session qui autrement a été plutôt constructive.

Je vais donc continuer à le voir pendant deux semaines au moins et on va peut-être essayer d'entrouvrir la fameuse boîte... Je ne sais pas si on va y trouver grand-chose. J'ai tendance à penser que non, mais j'espère aussi que je me trompe.

Pas grand-chose à signaler sinon. La piscine passe toujours assez bien. Je me suis réveillé ce matin avec un mal et une angoisse un peu moins fortes qu'hier et cela a été le premier signe qu'il était possible que ça aille mieux aujourd'hui, ce qui s'est progressivement confirmé au cours de la journée. Au point où j'en suis, je me contente déjà de petites améliorations, bien sûr, et il reste encore beaucoup de chemin à faire. Mais il y a des possibilités. Et l'humeur s'en ressent tout de suite. Évidemment, le régime de ce week-end en préparation du lavement baryté de lundi risque de tout foutre en l'air, mais on verra le moment venu. En attendant, on continue à explorer les solutions en matière de chaise de bureau, avec un rendez-vous au magasin demain à Y*** (encore un aller retour !) avec une infirmière spécialiste qui va me conseiller. La chaise que j'ai à l'essai pour le moment est en tout cas très bien, pour autant que je puisse dire. Il faut voir à l'usage, évidemment.

Les résultats de la radio de l'estomac et de l'intestin grêle sont déjà arrivés. Je n'ai rien ni à l'estomac ni à l'intestin grêle, en revanche, j'avais du « gross gastroesophageal reflux » au moment de l'examen. En d'autres termes, une partie du contenu de mon estomac était remonté dans mon oesophage. Ça ne m'étonne qu'à moitié, avec tous les serrements de poitrine et autres renvois que je subis constamment, mais ça m'a conduit évidemment à faire quelques recherches et à me poser quelques questions. Mon médecin de famille ne semble pas trouver cela trop préoccupant et me conseille simplement d'incliner mon lit la nuit en mettant des cales de 15 cm sous les pieds du haut. Plus facile à dire qu'à faire ! J'ai téléphoné au gastro-entérologue ce matin et il m'a rappelé tout de suite dans la matinée (étonnant), j'ai donc pu lui en parler, il a évoqué un médicament en vente libre qui pourrait aider, je suppose que je vais essayer ça. Enfin, ce n'est peut-être rien de bien grave, n'est-ce pas.

Dernière chose : hier soir, le neurologue ami de la soeur de C. a téléphoné. La soeur de C. lui a de nouveau parlé (au téléphone) de mon cas à un moment, la semaine dernière, où ça n'allait vraiment pas fort, et il a proposé de me contacter directement. Il a une voix assez drôle, mais il a l'air de bien vouloir me consacrer un peu de temps, ce que je ne vais certes pas refuser par les temps qui courent. C'est quelqu'un de respecté à H***, semble-t-il, et ça pourrait peut-être m'ouvrir certaines portes ou accélérer certaines choses. Quoi qu'il en soit, il a proposé, plutôt que d'essayer d'en parler au téléphone, que je vienne le voir à H***. J'ai dit que nous y allions début août et il a dit qu'on pourrait arranger quelque chose. Il est censé rappeler ce soir. Une autre piste. Un autre être humain qui s'intéresse à mon cas. Une autre préparation mentale en perspective. Bizarre, tout ça.

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© 2000 Pierre Igot

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